Histoire de la théorie de la dominance
et quelques idées fausses
Note : Les informations contenues dans cet article sont tirées dun entretien avec le docteur Ian Dunbar, qui a passé neuf années à étudier le comportement social des chiens dans le cadre de létude mentionnée ci-dessous. Dans une version plus ancienne de cet article, létude de 30 ans avait été attribuée au Dr. David Mech. Cétait une erreur. Le chercheur qui a mené cette étude était le Dr. Frank Beach. Un effort a été fait pour corriger cette erreur.
La théorie originale de la dominance de lalpha est née à la suite de courtes études sur les meutes de loups dans les années 40.
(Allons bon ? Depuis 70 ans les éthologues de terrain seraient restés au lit ?) Celles-ci étaient les premières études dans leur genre. Ces études furent un bon départ, mais des recherches plus récentes ont réfuté la plupart des résultats. Il y avait 3 défauts majeurs dans ces études :
1. Il sagissait détudes à court terme. Les chercheurs se sont donc concentrés sur les parties les plus manifestes et évidentes de la vie des loups, telles que la chasse. Les études ne sont donc pas représentatives puisquelles schématisent le comportement du loup seulement sur 1% de sa vie.
La chasse représente bien plus d1% du temps de la vie dun loup. Cette occupation principale conditionne en fait la vie dune meute : salimenter pour survivre.
2. Ces études ont observé ce qui est aujourdhui connu comme des démonstrations rituelles. Ces démonstrations ont été mal interprétées à lépoque. Malheureusement, cest de là quest issue la majeure partie du modèle de la dominance, et bien que ces considérations aient été solidement réfutées, elles continuent de prospérer dans lopinion et la pratique du dressage canin.
Par exemple, lalpha qui retourne lautre chien. Les premiers chercheurs observèrent ce comportement et conclurent que le loup dont le rang était le plus élevé faisait rouler le soumis pour exercer sa dominance. Eh bien, pas exactement. Il sagit en fait dun rituel dapaisement dont le SUBORDONNE a linitiative. Le dominé offre son museau et quand le loup de plus haut rang mordille son museau, le dominé roule volontairement et présente son ventre. Il ny a pas de rapport de force. Tout est entièrement volontaire de la part du dominé.
Il est tout aussi limitatif de donner lexplication de la dominance dans un sens unique. La dominance est un échange entre deux individus, une interaction. Lun domine, lautre se soumet. Pourquoi un loup ou un chien irait-il se soumettre sil ny a pas la présence dun individu qui lui impose dadopter les postures dapaisement?
Pourquoi un individu adulte dominé lèche la bouche d'un dominant, se mets sur le dos et parfois urine?
Il dit : "Je suis hiérarchiquement un chiot et je "t'exprime" ce statut ".
Il adopte alors clairement des postures qui caractérise le chiot : sollicitation du régurgitement alimentaire de la mère par léchage ou présentation des parties génitales que la mère léchait pour activer les dégections.
Un loup renverserait un autre loup contre sa volonté uniquement sil avait lintention de le tuer. Imaginez dès lors un seul instant ce que le fait de retourner un chien contre sa volonté peut avoir comme conséquences sur son psychique !
Un loup comme un chien émet des signes posturaux, visuels, sonores et olfactifs. Il na aucunement besoin de retourner une subalterne pour obtenir la soumission.
3. Finalement, après ces études, les chercheurs ont fait des extrapolations cavalières en transposant leurs résultats sur des modèles chien-loup, chien-chien, humain-chien. Malheureusement, ces absurdités abondent toujours.
Alors quelle est la vérité ? La vérité
(Ouille! Passer de pistes de réflexion à des certitudes meffraie) cest que les chiens ne sont pas des loups. Honnêtement, si vous tenez compte du nombre de générations écoulées (entre le loup et le chien), en disant : "Je veux apprendre à interagir avec mon chien, donc je me base sur les loups". Ca a à peu près autant de sens que de dire : "Je veux améliorer mes relations avec mes parents, voyons comment font les chimpanzés".
Cest une conclusion hâtive et dénuée du moindre fondement. Les deux évolutions sont diamétralement différentes et ne peuvent se comparer.
Le dernier ancêtre commun homme/singe remonte à environ 7 millions dannées (Le fameux chaînon manquant)
2,7 millions dannées séparent laustralopithèque (premier hominidé) de lhomme moderne alors que lévolution du loup en chien est de 12000 ans. Lhomme a perdu ou estompé les instincts qui gèrent la vie dun singe alors que le loup et le chien ont gardé cette caractéristique fondamentale pour les actes quotidiens.
Le Dr. Frank Beach effectué 30 ans détudes sur les chiens à Yale et à Berckley. Dix-neuf années de cette étude ont été consacrées au comportement social dune meute de chiens (pas une meute de loups, mais bel et bien une meute de chiens).
Etudier une meute de chiens isolés artificiellement permet des observations intéressantes ; mais ne me semble pas la meilleure solution pour asseoir des théories sur le comportement dune meute. Trop dinterférences humaines et de contraintes environnementales ne garantissent pas des conclusions fiables.
Les chiens mâles ont une hiérarchie rigide.
Les femelles ont une hiérarchie, mais elle est plus variable.
Lorsque vous mélangez les sexes, les règles se confondent. Les mâles tentent de suivre leur constitution, mais les femelles ont des variations, des adaptations.
Les jeunes chiots ont ce que lon pourrait appeler un "permis de chiot". En soi, ils ont le droit de faire tout ce quils veulent.
Le "permis de chiot" est révoqué à lâge de 4 mois environ. A ce moment-là, les chiens plus âgés situés au milieu de la hiérarchie transforment la vie du chiot en un véritable enfer en le torturant psychologiquement jusquà ce quil adopte les comportements dapaisement appropriés et quil prenne sa place tout en bas de la hiérarchie. Les chiens haut-placés ignorent totalement ce processus.
Il ny a pas de domination physique. Tout est accompli au travers du harcèlement. Tout est ritualisé.
Une agression psychologique est ressentie physiquement.
Comment peut-on penser que le harcèlement naurait pas dincidence sur le corps ? Il nest pas nécessaire de taper sur un individu pour lui infliger des souffrances qui interagissent sur son intégrité physique.
On retrouve là, dans sa totalité, le comportement intrinsèque de celui du loup.
Pourquoi ny a til pas dagression physique, invalidante ou mortelle, entre les individus sains dune meute ?
Toujours pour la même raison : la survie du groupe.
Un individu blessé est condamné. Par sa disparition ou son handicap, il amoindrit les capacités de la meute à survivre. Par son absence, il oblige le groupe à produire plus defforts.
Rappel : Lénergie absorbée doit être égale ou supérieure à l énergie consommée.
Une petite minorité de chiens alpha montrent leur position par lintimidation et la force. Ceux qui font cela sont rapidement destitués. Personne naime les dictateurs.
La supra-dominance est apparue comme un comportement déviant. Lindividu qui en manifeste les caractéristiques est "écarté" car il représente une menace pour le groupe. Les meutes auraient donc une conscience historique et politique du dictateur ?
On tombe dans lanthropomorphisme !
Par ses attitudes, un supra-dominant "étouffe" lexpression et léquilibre hiérarchique dun groupe. Sil inflige des blessures à des congénères, il fragilise la survie de la meute.
La grande majorité des chiens alpha règnent de manière bienveillante. Ils ont confiance en leur position. Ils ne se bagarrent pas pour prouver où est leur place. Procéder ainsi rabaisserait leur statut, car
Les chiens situés au milieu de la hiérarchie se bagarrent Leur position est fragile et ils veulent dépasser les autres chiens dont le rang est également au centre de la hiérarchie.
(Ceci est régulièrement vérifié et apporte de soi-même lélément contradictoire à la théorie précédemment évoquée : on constate lexistence dagressions physiques, puisque ces individus situés au milieu de la pyramide se bagarrent)
Les chiens situés tout en bas de la hiérarchie ne se battent pas. Ils savent quils perdraient. Ils connaissent leur position et lacceptent.
Alpha ne signifie pas dêtre physiquement dominant. Cela signifie "maître des ressources".
(Pour être le maître des ressources il faut en imposer aux autres, et pour pouvoir le faire, il est préférable dêtre le plus costaud. Quelle soit physique ou mentale, dans le règne animal, la raison du plus fort est toujours la meilleure) Beaucoup de chiens alpha sont trop petits ou trop faibles pour dominer de manière physique
(Là, jai un doute). Mais ils ont gagné le droit de contrôler les ressources.
(Comment ?) Un unique chien détermine quelles ressources il considère comme importantes. Ainsi, un chien alpha peut renoncer à un lieu de couchage de premier choix car il sen fiche éperdument (puisquil dort où il veut).
(Quelle est la corrélation entre ces 2 dernières phrases ?)
Il est bien établi que la situation du lieu de couchage dun dominant est essentielle. Il surplombe lespace ou maîtrise les lieux de passage.
Que signifie tout cela dans la relation homme-chien ?
User de nimporte quelle sorte de force physique diminue votre rang.
Seuls les animaux de rang moyen qui sont peu sûrs à leur place se bagarrent.
User de nimporte quelle sorte de force physique diminue votre rang.
(cest très théorique) Seuls les animaux de rang moyen qui sont peu sûrs à leur place se bagarrent.
Pour être lalpha, contrôlez les ressources.
(Il existe de nombreux exemples de personnes qui maîtrisent lalimentation mais sont dominées par leur chien) Pas les choses ordinaires comme interdire le lit au chien ou le précéder pour le passage des portes. Je parle plutôt de créer un contingent de ressources liées au comportement. Le chien veut être nourri. Bien ! Demandez-lui dabord de sasseoir. Le chien demande à sortir. Faites-le dabord asseoir. Il veut saluer des gens, il veut jouer ? Faites-le dabord asseoir. Si vous êtes assez proactif pour contrôler les choses que votre chien désire, vous êtes alors lalpha par définition.
(Tout à fait daccord)
Eduquez votre chien. Cest léquivalent humain de la révocation du "permis de chiot" dans le développement du chien.
(Il faudrait donc, selon les principes de la "méthode naturelle", "transformer la vie du chiot en un véritable enfer en le torturant psychologiquement jusquà ce quil adopte les comportements dapaisement appropriés et quil prenne sa place tout en bas de la hiérarchie" ? [Copié/collé plus haut]) Les enfants, les femmes, les personnes âgées, les personnes handicapées sont tous capables de dresser un chien. A linverse, très peu de gens sont capables de domination physique.
Récompensez les comportements de respects et dobéissance, plutôt que les comportements présomptueux, arrivistes, désagréables ou agressifs. Jai 2 chiens. Si lun des deux fait le forcing devant lautre, essaie dobtenir quelque chose par la force, sexcite ou veut se faire remarquer, cest lautre qui obtient lattention ou la nourriture. Même si cétait le premier chien qui voulait quelque chose.
(Le "forcing" peut être la manifestation dune autorité. Si, par nos actes, nous interférons dans la hiérarchie établie entre 2 individus, nous créons un renforcement négatif de cet état. Ainsi, le dominant multipliera les actes de dominance dès que nous aurons le dos tourné. Etre respectueux des comportements naturels du chien doit aussi faire partie de la panoplie de léducateur) Tirer sur la laisse ne mènera le chien nulle part. Les portes ne souvriront pas tant que les chiens ne seront pas assis et que je leur dirai quils peuvent sortir. Récompensez les comportements mauvais et vous nobtiendrez que du mauvais.
(Cest évident)
Votre job consiste à être un meneur, et non un chef ou un dictateur. Etre un meneur est une lourde responsabilité. Votre travail est de pourvoir à tous les besoins de votre chien
nourriture, eau, soins vétérinaires, besoins sociaux, sécurité, etc. (
De cette organisation, le chien sen moque. Si lalimentation peut être un levier dans les rapports établis, les soins vétérinaires, les besoins sociaux et la sécurité sont uniquement des implications à la responsabilité humaine) Si vous ne lui fournissez pas ce dont il a besoin, il essaiera de satisfaire ses besoins par lui-même
(Hum ! Je n'ai pas encore vu de chien aller chez le vétérinaire seul parce quil souffrait ou ouvrir un robinet parce quil avait soif) Dans un article récent de lAPDT (Association of Pet Dogs Trainers), le Dr. Ray Coppinger un professeur de biologie au Hampshire College, co-fondateur du Livestock Guarding Dog Project, auteur de plusieurs livres dont "Dogs : A startling new understanding of canine origin, behavior and evolution" et membre très respecté de la communauté de léducation canine explique, en référence au modèle de la dominance (et du retournement du chien) :
"Je ne peux imaginer aucune situation de dressage où je souhaiterais voir mes chiens répondre par la peur et incapables de bouger et de réagir.
Jamais je ne voudrais que mes chiens pensent à la hiérarchie sociale. Car une fois quils y penseront, ils passeront leur temps à essayer de trouver comment monter dun rang dans la hiérarchie. "
Cest une théorie qui implique lhomme dans ses relations avec son chien. Elle ne correspond pas forcément à son inverse. Ne pas souhaiter que son chien essaie de monter dun rang dans la hiérarchie est compréhensible ; tout en allant à lencontre dun comportement somme toute naturel.
Japprécie les observations qui donnent lieu à des pistes de réflexion et les échanges consécutifs à celles-ci.
Japprécie les théories comportementales quand elles sont étayées.
Jaime beaucoup moins le "catéchisme" qui voudrait simplifier, ici, la complexité des relations homme/chien.
Etre un bon maître, nest-ce pas décrypter au mieux le langage de son chien et y répondre de manière individuellement adaptée ?
Ce qui est bon pour lun, ne lest pas forcément pour lautre.
Le panel comportemental est vaste car il implique des individualités et des situations très diverses, côté homme et côté chien.
Lharmonie et le respect restent les maîtres-mots. La réflexion et les méthodes sont adaptables.
Et gardons modestement à lesprit que nous continuerons à commettre des erreurs déducation. Les relations homme/chien sont rarement à linitiative du chien.
Merci Robert (comme ça tout le monde sait d'où ça vient!! )
On sen doutait un peu ! 
Le chien possède la beauté sans la vanité, la force sans l insolence, le courage sans la férocité et toutes les vertus de l homme sans ses vices. Lord Byron